Tradition ?
Couverture verte que l’on s’obstine à garder sous contrôle devant sa maison pour avoir du vert dans le regard et s’allonger par terre quand il fait chaud.
On s’évertue à essayer de la garder lisse et « propre », d’un vert uni avec en arrière pensée le green de golf ou la pelouse du « Stade Français ».
Chercher un vert uni impose une seule variété de graminée adaptée au piétinement ! Donc il convient de retirer toute la verdure existante pour ôter tout pissenlit vert plus clair, toute achillée vert plus foncé.
Une pelouse est plate pour se tondre plus facilement, les plus audacieux y mettront quelques courbes quand même. La platitude prive de variété (zones plus hautes et plus chaudes et sèches, versant nord d’une butte plus protégée l’été, etc ....)
Elle est tondue bien ras, rien qui ne dépasse et puis cela évite de trop se mouiller les pieds.
Si elle est bien rase, elle sera très sensible à la sécheresse ce qui oblige à l’arroser pour qu’elle ne fasse pas paillasson jaune l’été.
Les déchets de coupures sont évacués car malpropres et traités à grand frais par la communauté. Privée d’humus et saturée en engrais chimique la terre ne tarde pas à s’appauvrir et à se couvrir de mousse contre laquelle il faudra lutter …
Bref vous l’avez compris, l’enfer vert de la pelouse n’est pas loin .... de là à la remplacer par du béton, il n’y a qu’un pas.
Pourtant …
Pourtant s’il est agréable de garder ainsi une petite partie de la taille de deux serviettes de plage si c’est pour vous allonger version farniente ou faire votre salutation matinale au soleil, voire plus grand si les enfants ou les chiens aiment les jeux de balles, il serait sûrement heureux d’y regarder de plus près.
Les avantages sont nombreux d’une pelouse mal rasée dans laquelle pousse une multitude de plantes que l’on n’y a pas mis et sur laquelle on laisse la tonte se transformer en humus. Je vous propose une autre gestion de la sacro sainte pelouse.
Le sol :
N’hésitez pas à créer des creux dans lesquels un peu d’eau peut s’accumuler (eaux pluviales) pour consciencieusement garder l’eau chez soi le plus longtemps possible. Faites des bosses, ce faisant, vous créez des zones plus sèches et plus chaudes, des zones plus froides et plus humides, des versants au soleil et des versants moins au soleil.
N’hésitez pas à rajouter des troncs ou des cailloux dans les parterres, réserve d’eau et de vie pour les uns, réserve de chaleur et refuge de petits animaux pour les autres.
Une petite attention à l’esthétique vous permettra de créer une vraie jolie pelouse agréable à regarder et fort complexe (synonyme de variée !)
Broyez les déchets et gardez-les sur place, faites un damier et en rotation sur un carreau de celui-ci décidez de mettre en couche fine (max quelques centimètres) les déchets de tonte, d’arbuste, voire déchets de cuisine dans certains cas, ou autre (la paille de l’abri de votre chèvre, de vos poules, de votre cheval). Ce carré là mettra quelques mois à relaisser passer l’herbe, mais ce faisant, vous aurez fait de l’humus. Un sol humifère est plus riche, n’a pas besoin d’engrais chimique, il garde l’humidité et demande moins d’eau.
Les Herbes :
Si vous devez semer votre pelouse, faites des mélanges de graines, herbe classique bien sûr, mais aussi mélanges de tout ce que vous pouvez trouver : y compris les graines sauvages dont certaines sont faciles à ramasser (pissenlit, marguerites, etc ..). N’hésitez pas aussi à transplanter un pied de pimprenelle ou d’achillée.
Pour tondre, mettre la tondeuse le plus haut possible sur ses roues sauf à quelques endroits précis de passage fréquent. Une pelouse moins rase résiste mieux à la sécheresse, est plus apte à respecter le cycle complet d’une multitude d’espèces végétales. Et la multitude par effet coopératif donne plus de vigueur à chaque plante. Laissez des carrés (ou des élipses !) qui ne seront pas tondus pendant plusieurs mois et laissez les évoluer, vous verrez apparaître fleurs et graines, beauté et utilité (ré-ensemencement et nourriture pour les oiseaux).
Et dans les mauvaises herbes qui vont envahir le terrain, il y a fort à parier qu’un saladier « sauvage » complet va s’inviter : pissenlit, plantain, achillée millefeuille, pâquerette, marguerite, ortie, lierre terrestre, gaillet, oseille, potentille, etc. En fait très facilement de 20 à 30 espèces comestibles et 100 fois plus concentrées en nutriment que les plantes des étals du supermarché !
La pelouse-jardin :
Cette utilisation inhabituelle de la pelouse devrait vous la faire regarder autrement, et vous faire prendre au jeu pour lui donner un peu d’air en la taillant moins, en nourrissant la terre avec des débris végétaux l’hiver, la rendre plus riche et complexe en ramenant plantes et graines qui tarderaient à y venir : soucis qui se ressèment tous seuls et dont les fleurs sont un délice, bourrache, consoude, mauve, etc. Certes elle aura l’air un peu hirsute, certes votre volonté de tout contrôler s’en trouvera mise à mal, mais vous aurez la surprise de découvrir une richesse infinie sur une surface que vous finissiez par ne plus vraiment regarder …
Je terminerai en modifiant une phrase célèbre dans les années Hippies :
« Don’t walk on the grass, eat it ! »