Contexte historique
Le terme « Gaulois » était utilisé par les romains pour désigner les peuples Celtes qui occupaient le territoire français actuel.
Je ne vais pas faire un cours d’histoire, ce n’est pas ma spécialité. Et je vais probablement faire de grossières simplifications qui vont hérisser les poils des historiens. Mais il est bon d’arriver à resituer le contexte historique, même si c’est d’une manière un petit peu grossière.
Au début de l’antiquité, nous avons sur le territoire français actuel un ensemble de petits groupes, de peuplades. Il n’y a pas de grande homogénéité.
Puis à partir du VIIe siècle avant JC, les Celtes arrivent d’Europe centrale et s’installent à l’est et au nord du territoire. Plus au sud, l’arrivée des Grecs marque le développement du commerce méditerranéen, en particulier grâce au port Massillia - nous parlons ici de Marseille.
Les Celtes vont peu à peu se mélanger aux peuplades locales pour former un groupement de peuples, avec une certaine homogénéité. Ce groupement parle la langue Celte et sera nommé "peuple Gaulois" par les Romains.
Ces peuples gaulois ont chacun leur territoire, leur chef, parfois ils s’affrontent pour des questions de territoire, parfois ils font des alliances pour affronter les envahisseurs. Vous avez peut-être entendu parler des Arvernes ou des Allobroges. Il y avait en fait plus d’une centaine de "tribus", mais avec tout de même une certaine homogénéité de langues, de coutumes et de manière de vivre.
Les romains, lors de leur voyage en Gaule, vont dépeindre les Gaulois comme des rustres, des gens qui n’aiment pas trop se laver, des colériques, des gens qui aiment bien boire et se battre. Un aspect que l’on retrouve dans la fameuse bande dessinée Astérix et Obélix.
Mais nous avons aussi un peuple sophistiqué qui a su s’organiser autour de différents ordres et rôles dans la société. Le peuple est composé de différents corps de métier, la noblesse forme les guerriers, et le clergé endosse de nombreuses responsabilités.
Le rôle du druide
Dans le clergé, un personnage a un rôle très important : le Druide. Ce nom nous fait tout de suite penser à un homme avec une longue barbe blanche en train de touiller une marmite avec des plantes dedans.
Certes, la médecine était l’une des responsabilités du druide. Mais il était aussi responsable du culte religieux, de l’enseignement du savoir (il enseigne à des apprentis qui deviendront druides à leur tour, les études de druides peuvent durer 20 ans).
Les druides sont aussi soignants et certains sont même chirurgien vu qu’on a retrouvé des instruments métalliques qui a priori étaient destinés à opérer des malades. La pratique des plantes est mélangée à des pratiques religieuses et divinatoires, il y a donc beaucoup de cérémoniel qui entoure la ramasse et l’utilisation des plantes. Je ne vais pas m’attarder sur cette partie.
Utilisation des plantes
Dans ce contexte, essayons de comprendre comment les Gaulois se soignaient et utilisaient les plantes. Ce n’est pas une mince affaire car les Gaulois étaient un peuple qui n’écrivait pas. Les seuls écrits que nous avons sont ceux des romains qui ont documenté ces coutumes de la Gaule.
Nous avons, par exemple, les écrits de Pline l’Ancien et de Scribonius Largus qui était médecin de l’empereur Claude. Pline a écrit une encyclopédie assez monumentale qui compte 37 volumes, qui s’appelle Histoire naturelle et qui est resté une référence pendant une longue période.
Les formes utilisées :
- Les plantes se prenaient la plupart du temps sous forme d’infusion ou de décoction que l’on préparait dans des pots en terre.
- Pour les applications locales, on pilonnait les plantes pour les réduire en bouillie et les appliquer. On parle donc ici de cataplasmes. Parfois on mélangeait la plante avec de l’huile pour leur donner une consistance pâteuse afin de les appliquer.
- Parfois on écrasait ou on pressait la plante pour récupérer le jus frais pour l’utiliser en interne ou externe.
On trouve donc chez les Gaulois une grande diversité de préparations, qui sont en fait très proches de ce qu’on prépare toujours aujourd’hui dans nos produits maison.
En ce qui concerne les plantes, on a du mal à distinguer aujourd’hui ce qui provient de l’influence romaine, de l’influence grecque par le sud. Si on se base sur les travaux de recherche de Jacques Poisson, qui a écrit un historique de la pharmacie, on arrive à trouver des plantes spécifiques.
D’abord le Nard celtique, dénoté Nardum celticum dans les écrits romains. C’est en fait une valériane que l’on trouve dans les Alpes, valériane assez rare aujourd’hui : Valeriana celtica, qu’on utilisait pour les problèmes de jaunisse et autre problèmes de foie ou pour les problèmes de règles douloureuses.
Valeriana celtica |
L’armoise maritime, Artemisia maritima, que l’on trouve sur les côtes atlantiques, était utilisée pour éliminer les vers intestinaux. Plus tard, on utilisera d’autres armoises comme l’absinthe (Artemisia absinthium) ou le semen contra (Artemisia cina) comme vermifuges, deux plantes qui appartiennent à cette même famille des armoises.
Une liste de plante était réputée pour bloquer l’effet des poisons, en particulier ceux provenant d’une morsure de serpent venimeux. Vu le nombre de plantes classées dans cette catégorie-là, on pense qu’il devait y avoir un grand nombre d’accidents dus aux serpents. On y trouvait la bétoine (Betonica officinalis), qui était une panacée très utilisée pour un grand nombre de maux. On y trouve aussi le sureau hièble (Sambucus ebulus) qui n’est plus usité aujourd’hui car risques de toxicité, ainsi que le suc d’euphorbes.
On sait que les Celtes ramassaient de nombreuses plantes comme l’orpin, le millepertuis, le lierre terrestre, les camomilles et les armoises, la bardane, la sauge, le buis.
Gui (Viscum album) |
On a souvent parlé d’une plante sacrée, la plante des druides : le gui (Viscum album) - montré sur l’image ci-dessus. D’après les écrits de Pline, les Gaulois ramassaient spécifiquement celui qui pousse sur les chênes, ce qui est assez rare. Il y avait toute une cérémonie autour de la cueillette qui se faisait en fonction du calendrier lunaire. Il y avait aussi des cérémonies sous le chêne qui porte le gui : on sacrifiait des animaux sous l’arbre sélectionné.
D’un point de vue purement médicinal, nous n’avons que très peu d’informations sur l’utilisation du gui : apparemment employé pour contrer de nombreux poisons (quels types de poisons, je ne pourrais pas vous dire) et pour améliorer la fécondité des animaux stériles.
Indications anciennes et nouvelles
Voici un fait très intéressant : certaines plantes étaient déjà utilisées pour les mêmes indications qu’on utilise aujourd’hui. La bardane (Arctium lappa) par exemple était utilisée pour les problèmes de peau. Les armoises étaient utilisées pendant les règles difficiles.
La petite centaurée (Centaurium erythraea), qui est très amère (elle fait partie des gentianacée, la famille de la gentiane), était utilisée pour les engorgements hépatiques. Aujourd’hui on reparle beaucoup de ces plantes amères que l’on avait un peu oubliées parce qu’on fuit l’amertume !
Ces plantes amères stimulent la digestion et les fonctions du foie. Pline explique que les Gaulois l’utilisent pour évacuer les substances nocives. On retrouve donc ici le concept de nettoyage et d’élimination, de dépuration, concept qui a intégré la philosophie naturopathique.
Apparemment les Gaulois utilisaient aussi les résines des conifères. Pline parle de « résine de Gaule ». On la préparait sous forme d’électuaire, c’est-à-dire qu’on mélangeait la résine avec du miel pour en faire une pâte à consommer pour "les toux anciennes". Ceci fait référence à une infection respiratoire qui avait été mal soignée.
La résine permettait de désinfecter les bronches, de liquéfier les derniers déchets afin de pouvoir les expectorer afin de résoudre la situation. Une utilisation que l’on retrouve aujourd’hui avec tous les résineux, voir ma vidéo sur les bourgeons de pin.
Soin des yeux
Une autre particularité de la médecine gauloise est l’importance accordée aux soins des yeux, ce qui peut paraître surprenant. On ne sait pas exactement pourquoi aujourd’hui.
On fabriquait des collyres secs sous forme de bâtonnets, fabriqués à partir d’une pâte qu’on avait fait sécher. Dans cette pâte, on pouvait mettre plusieurs plantes - pavot, tilleul, rose, coing, buis, etc. Et si on y réfléchit, on arrive à voir la logique. Le coing par exemple est très astringent, il va resserrer des muqueuses enflammées. Le tilleul est mucilagineux, il va adoucir une muqueuse irritée. Les pétales de rose sont un peu des deux, astringent et anti-inflammatoire.
Nous avons donc déjà une certaine sophistication du soin. Je vais répéter ce message encore et encore dans cette série d’articles car une chose qu’il faut qu’on s’enlève de l’esprit, c’est l’idée que ces peuples anciens faisaient un peu n’importe quoi, d’une manière primitive.
Pas du tout, on testait, on affinait, on améliorait et au bout de plusieurs générations on avait des remèdes efficaces. La survie du peuple en dépendait !
On cassait un morceau de bâtonnet, on le mélangeait dans un peu d’eau de pluie ou de d’huile pour l’appliquer dans l’œil, au besoin.
On avait donc fabriqué l’une des premières formes concentrées et compacte, facile à transporter et prêt à l’emploi !
Pourquoi ce souci des soins des yeux ? Je pense car tout simplement on vivait dans des chaumières enfumées et que la fumée provoque des inflammations oculaires. C’est une chose que l’on trouve aussi dans la tradition amérindienne justement pour les mêmes raisons.
Rose sauvage - églantier |
Conclusion
Pour un peuple décrit comme primitif par les romains, on trouve donc une grande sophistication du soin et une utilisation de la plante médicinale qui est déjà bien développée.
On y retrouve aussi des principes de naturopathie comme les thermes, c’est-à-dire les bains chauds dans des sources naturelles, l’utilisation des plantes pour nettoyer les déchets du corps.
La pratique gauloise aura bien sûr une grande influence sur la pratique romaine, les romains ont un peu récupéré le savoir des différents peuples dans leurs campagnes militaires. Et vice-versa, les romains influenceront les peuples de la gaule pendant les premiers siècles après JC.
Une partie de la sagesse Celtique et Gauloise, au final, va donc se retrouver dans les écrits romains qui vont marquer la pratique de la médecine pour les siècles qui suivront en Europe, comme je vous ai expliqué dans la vidéo précédente.
La pratique gauloise va aussi se conserver localement, va continuer sa transmission de bouche-à-oreille pour perdurer dans le temps et rester accessible aux peuples. Vous voyez donc deux branches de savoir qui commencent à se dessiner : les écrits romains qui influenceront les universités de médecine du Moyen Âge, destinées aux personnes éduquées et souvent de bonne famille, et le savoir du peuple qui va perdurer tout doucement, à sa manière, pour continuer à alimenter les besoins des gens non-éduqués.
Ceci clôt ce nouvel épisode. Je vous retrouve très bientôt pour un nouvel épisode dans lequel nous allons nous intéresser à la période juste après la chute de l’Empire romain. Nous parlerons en particulier de l’influence Arabe, qui a été déterminante.