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Cultiver L’égopode… Dans son jardin - N°10/11

(Aegopodium podagraria - Apiacées)

mercredi 12 décembre 2018, par Nathalie Frossard

Si comme moi, vous avez un potager exposé à l’ombre la moitié de la journée, très humide au printemps et sec en été, il y a de fortes chances que vous réussissiez la culture de l’égopode podagraire, appelé populairement Herbe aux goutteux depuis le Moyen-Age. Utilisé pour soigner la « goutte » des pieds, une maladie articulaire fort douloureuse et fréquente dans les siècles passés, cette plante est aussi fort goûteuse !

Imaginez un céleri au parfum délicat qui tient tête aux limaces - dont mon jardin est le terrain de jeux favori au printemps, et qui apprécie l’argile même lourde et calcaire. Cette plante miraculeuse existe bel et bien et se cultive sans souci au pied des arbres tels que le cerisier (celui de mon jardin par exemple) ou le frêne, puisque son habitat est la lisière des haies arborées ou des bois en climat tempéré. Vous la trouverez aussi au bord des rivières qui sont encore bordées d’arbres sur terrain naturel ( inutile de prospecter les enrochements qui canalisent la plupart de nos cours d’eau en zone urbaine…

C’est peine perdue : ni l’ail des ours, ni l’égopode ne s’y sont habitués, à part peut-être la renouée du Japon ). Cette plante était cultivée au Moyen-Age dans les potagers et utilisée à la fois comme « simple » (remède) et légume vert, puis a été abandonnée. Elle survit dans les vieux villages à l’abri des murs des maisons ou des fortifications de château, attendant son retour en grâce...Il ne tient qu’à vous de lui donner sa chance. Présente à l’état naturel en Auvergne, en Limousin et dans les vallons frais de l’Aveyron, je vous suggère de la pister dans votre région en repérant dans votre environnement ses conditions de vie qui sont aussi des exigences de développement dans votre jardin.

Pour l’installer, il suffit de prélever de jeunes plants en avril dans les colonies sauvages. Qu’ouïs-je ?!...non, non, ceci n’est pas une incitation au pillage : l’égopode se reproduit par marcottage comme les fraisiers, au point que vous risquez d’être envahi dans votre propre jardin si vous vous laissez attendrir. Certains jardiniers excédés de mon village l’arrachent au titre de mauvaise herbe, en pestant…au lieu de le jeter aux orties, ils feraient bien de le mettre dans la soupe avec elles, pour se régaler. En tout cas, cette remarquable propriété fait que les jeunes plants sont très faciles à déterrer au début du printemps car leurs racines sont peu profondes et encore peu développées. Deuxième avantage : votre massif d’herbe aux goutteux va grandir d’année en année sans rien y faire ! Puisque les plantes sauvages ont notre faveur dans cette revue, soyons positifs aussi avec l’égopode et reconnaissons que c’est trop rare de produire sans avoir à cultiver. Et c’est ce qui se passe avec ce charmant « céleri » des bois. Si d’aventure, vous vous sentez débordé, quelques passages de tondeuse auront raison de son audace.

Une fois installé, l’égopode prospère et émet des feuilles tendres et parfumées que vous allez pouvoir récolter jusqu’à la floraison au mois de juin. Un nuage de fleurs blanches en ombelles décore le massif, sonnant le glas des potages mais offrant des corolles légères et comestibles à vos plats de crudités. Quand cette vaporeuse floraison aura fini de décorer le paysage de votre jardin et de vos assiettes, il sera temps de passer à la cisaille les têtes déplumées – comme les nobles qu’elle soignait, son destin est de finir guillotinée.

Pas de pitié pour le feuillage non plus, car il est souvent jauni ou déformé par une maladie favorisée par la chaleur et la sécheresse. Vous décèlerez cette maladie à la déformation des pétioles des feuilles qui se couvrent de pustules jaunes… pour couper l’appétit, c’est parfait et tant mieux car il vaut mieux arrêter de les consommer à ce stade ! Après cette intervention, le massif d’égopodes se la joue façon scène de désolation… Pourtant ce n’est pas la fin de la plantation. En fonction des averses d’été, vous verrez pointer des feuilles timidement quelques jours plus tard, qui vont reconstituer de vigoureuses verdures dans le courant du mois d’août. De quoi refaire d’autres récoltes en courant d’été. C’est une plante vivace, qui repoussera donc saison après saison si vous la laissez tranquille dans le coin du potager le plus ingrat, là où les autres légumes ne veulent pas venir à cause de l’ombre - ces chichiteurs. N’est-elle pas miraculeuse, cette herbe aux goutteux ?

Quelques recettes de cuisine que j’ai savourées grâce à l’herbe aux goutteux :
 en soupe avec des pommes de terre, en quiche comme l’ortie, en chaussons crétois, en beignets de légumes (farçous aveyronnais pour les gastronomes),en mélange avec des épinards Bon Henri ou des oignons. Prenez soin d’ôter le pétiole (la « queue » de la feuille, car les animaux sont queutés, alors que les végétaux sont pétiolés) et d’émincer le feuillage qui aurait tendance à durcir avec le temps.


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