Une saveur au placard.
Saveur maintenant très mal aimée, l’amertume est rarement invitée dans nos assiettes.
Elle nous fait faire la grimace. Notre rejet de la saveur amère est d’abord culturel, même si les plantes toxiques souvent amères nous auraient donné une méfiance instinctive pour cette saveur.
Pourtant nombreuses plantes sont amères sans pourtant être toxiques : le pissenlit régulièrement. Pourtant de nombreuses plantes doivent leur amertume à des molécules qui ont une efficacité médicinale et dont la plante peut alors servir d’alicament qui maintient la bonne santé !
Alors dans la cuisine actuelle régulièrement on ne la met pas et si elle y est on cherche sans cesse à la maîtriser, l’atténuer, l’adoucir.
Remettre de l’amertume dans ses plats et c’est très facile en cueillant le sauvage, c’est dire non à l’uniformisation des goûts. L’agroalimentaire se cantonne à des saveurs faciles, Umami (douce), sucré, salé. C’est un acte de résistance gustative !
Dans la cuisine classique, pamplemousse, menthe, cacao, café, endive, roquette, olives vertes, feuilles d’artichaud font office de réserve d’amer.
Dans les sauvages, elles sont si nombreuses à avoir au moins une composante amère qu’en écrivant ce texte je m’aperçois que j’aurai du mal à vous donner l’une ou l’autre ! Mais je m’aperçois aussi que sauf s’il a trop de force, j’en suis venu à l’aimer et à le rechercher cet amer ... une affaire de culture et d’habitude, c’est vrai.
L’amer santé !
Pourtant, s’il faut remettre de l’amer dans sa nourriture, ce n’est pas seulement pour remettre de la diversité, mais bel et bien parce que le goût d’un aliment et pas seulement sa composition moléculaire apporte son lot d’information pour la santé.
Dans la revue "Pour la Science" N°473 de Mars 2017, les docteurs Lee et Cohen nous livrent le résultat de leur recherche :
Les récepteurs du goût qui perçoivent l’amertume sont AUSSI responsables d’une immunité qui ne passe pas par le sang (activation des cils, production de défensines, de monoxyde d’azote, autant de broyeurs et tueurs de bactéries. Génétiquement certaines variantes des récepteurs sont plus efficace que d’autre et les variantes inefficaces laissent à leur propriétaires plus de chance de faire une sinusite chronique dans l’air pollué de nos villes. Et ces récepteurs sont partout : intestins, voies urinaires, poumons, cœur ! Il se mettent en route pour accélérer l’élimination des bactéries et toxines des qu’ils perçoivent les molécules responsables de l’amertume aussi bien dans les parois bactériennes que dans les aliments que nous mangeons.
Mais le corollaire est le suivant, il suffit de manger un aliment amer pour mettre en route le récepteur et se rendre compte évidemment de l’amertume ingérée mais aussi pour stimuler dans le même temps l’autre fonction de ses récepteurs : la chasse immunitaire sans concession de bactérie fussent-elles des super staphylocoques multirésistant.
A contrario, il est maintenant connu que le sucre inhibe ces mêmes récepteurs ! Donc on peut conclure du comportement d’un simple récepteur à l’amertume que la "sucrose" de nos sociétés est en partie responsable de l’explosion des allergies que nous observons ...
Les Docteurs Lee et Cohen sont donc en recherche dans le chou de Bruxelles et le houblon de molécules stimulant nos récepteurs pour en faire un médicament.
Mais la philosophie du Cueilleur -Culteur vous incitera plutôt à mettre dans vos plats tous les jours toute plante amère glanée dans les champs, à en diminuer la quantité de sucre, ce qui devrait alors augmenter votre capacité immunitaire d’autant !
L’amer et MTC.
Le point de vue occidental très démonstratif peut être complété par le point de vue de la médecine traditionnelle chinoise (MTC). En MTC chaque couple d’organe est nourri par une saveur. L’amer nourrit le cœur et l’intestin grêle. Et ce faisant permet de libérer l’énergie du foie et de la vésicule biliaire et donc de les désengorger le cas échéant.
"L’énergie du cœur assure l’harmonie de l’âme et des émotions ainsi que celle des différents méridiens, elle est en relation avec l’activité intellectuelle. Elle nous procure paix intérieure et clarté de l’esprit." Le Cœur est considéré par les Taoïstes comme « l’empereur » des organes et du psychisme. (cf tao et spiritualité)
Sa dysharmonie provoque :
– Trop d’activité, nervosité, vulnérabilité frayeurs, mauvais centrage, maniaquerie, anxiété, manque de concentration, Insomnies.
– la tristesse du poumon et la colère du foie peuvent alors envahir le cœur !
Peut-être pourrait-on aller jusque reconnaître les symptômes d’une société entière qui mange trop sucré et pas assez amer..? Il ne nous reste donc plus qu’à aller boire notre thé ou notre café sans sucre, savourer le chou de Bruxelles, la petite pousse de houblon ou de tamier, la chicorée, la centaurée, la menthe sauvage, le chocolat noir ...
Pour éviter l’amertume que provoque notre société quand elle perd le lien avec la nature et nous demande de marcher sur la tête avec elle et ainsi retrouver la joie et la clarté d’esprit d’un méridien Cœur bien équilibré !
Messages
1. L’Amer, une saveur au placard - 3, 20 juin 2018, 13:54, par Claire
Bonjour,
Oui, je suis bien d’accord la saveur amère est à redécouvrir dans notre monde actuel. C’est une saveur qui m’attire beaucoup ... Il doit y avoir un besoin ... Je viens de découvrir les fèves crues de cacao : elles sont amères et n’ont pas du tout de sucre. C’est un vrai plaisir que ce goût fort, inhabituel ; il n’est pas flatteur certes, mais on sent que ça fait du bien ; à consommer certainement avec modération mais régulièrement voire quotidiennement peut être. Les mérites vantés sont diverses : elles stimulent le flux sanguin et de ce fait participent à la santé cardiovasculaire, régulent la tension et le cholestérol, favorisent l’activité cérébrale et cognitive, diminuent le stress, renforcent le système immunitaire et luttent contre le vieillissement. Qui dit mieux ? Il semblerait par ailleurs que les vertues du cacao pur disparaissent en très grande partie voire complètement avec l’alliance du sucre et du lait dans nos plaquettes de chocolat. Les Maya considéraient les fèves de cacao comme des aliments médicaments. J’aimerais avoir une connaissance plus fine de ce thème. Qui a l’expérience de cet aliment ? Comme tout alicament son utilisation demande une certaine connaissance approfondie, de la prudence. J’aimerais savoir pour qui ces fèves sont à recommander et pour qui elles sont à utiliser avec beaucoup de modération. On sent bien qu’ il y a beaucoup de force et de puissance dans cet aliment...
Peut être que ceux qui ont des connaissances en MTC auront des choses à dire au sujet de la consommation de fèves de cacao selon les profils énergétiques et les caractéristiques de chacun...
J’attends avec impatience vos partages...
Claire
2. L’Amer, une saveur au placard - 3, 14 novembre 2020, 18:26, par Pascale
Merci pour vos articles. Moi aussi j’aime cueillir des plantes sauvages, sans être spécialiste. J’utilise des App comme « picture this « pour les reconnaître et je vérifie leur toxicité. J’ai appris à aimer l’amer et ne peux plus m’en passer ! C’est un vrai goût qui relève tout.